Notation im Gewebe                                                                                                              (Notations dans le tissu)


Joanna Mico travaille de manière abstraite et avec un geste répétitif sur la différence dans la répétition - le plus souvent de manière soustractive, en détissant de fines lignes à partir de tissus. La pratique artistique de Joanna Mico se situe à la croisée des arts visuels et de la littérature.


Elle exprime ses idées à travers différents médias, dont des œuvres textiles, des lectures-performances et des textes poétiques. D'abord spécialisée dans la poésie en tant que littéraire, Mico ne cesse de tester la présentation de textes dans l'espace par le biais de formes tissées où la question du lien est cruciale. Après une longue pause de care, elle se remet à écrire après le décès de son frère en 2019, mais cherche rapidement une autre forme d'expression plus appropriée - une écriture sans mots. C'est ainsi qu'à partir de 2023, elle développe son 'écriture textile', une méthode de travail abstraite et poétique très particulière, qui se caractérise avant tout par la réduction, le dépouillement.

L'artiste française trouve son matériau pour ces Notationen im Gewebe (Notations dans le tissu) dans de vieux draps en lin ou en coton blanc, qu'elle travaille de manière minimaliste. Au cours d'un processus lent, elle détisse le tissu, en retirant les fils et trace ainsi, dans une sorte de procédé en négatif, des lignes qui sont des vides et témoignent de l'absence. Ces détissages textiles sont la plupart du temps minimalistes et abstraits, sauf lorsque Mico brode (au début de la série) quelques touches de couleur ou intègre des parties de plantes séchées. Dans cette première phase, son œuvre présente des parallèles avec celle de l'artiste franco-espagnole Paca Sanchez, qui dispose des parties de plantes séchées dans des compositions minimalistes1.

Mais Joanna Mico se concentre rapidement sur le blanc du tissu, auquel elle ajoute de temps en temps quelque chose d'à peine visible. Ainsi, elle entoure certains fils du tissu d'un fin fil blanc, ce qu'elle appelle des « cicatrices », qui peuvent aussi bien témoigner d'une réparation que rappeler quelque chose de douloureux. Lorsqu'elle est confrontée aux Stolpersteine (pierres d’achoppement) omniprésentes dans l'espace urbain lors de sa résidence à Berlin2, elle leur consacre très concrètement l'une de ses œuvres actuellement les plus grandes, 60 x 60 cm, en brodant une grille carrée de 2025 carrés blancs sur le tissu concerné. D'abord choisi intuitivement, le carré, forme prédominante dans ses travaux, recèle ainsi un autre niveau de sens pour l'artiste d'origine juive.

Sur le plan formel, son travail sériel rappelle les compositions généralement monochromes de trames et de lignes d'Agnes Martin. Comme les travaux de Martin, les détissages naturellement géométriques de Mico dégagent une clarté et une sérénité dans lesquelles la spiritualité est toutefois moins présente que la perte. L'enlèvement du fil va à l'encontre de la « perfection » du tissage mécanique et les irrégularités qui en résultent constituent ainsi d'une certaine manière la signature de l'artiste. Il y a toujours une fragilité dans les notations de Mico, une composition fine qui, dans la répétition de ce qui est à peine perceptible, fait appel à quelque chose d'existentiel en nous - le manque, la disparition, mais aussi un lien. Des traces que nous laissons comme nos lignes de vie.


Conny Becker, 2025


1) Paca Sanchez le fait à peu près à la même époque, mais de manière moins classifiée que Hernan de Vries, également dans l'esprit de l'Arte Povera.

2) Les Stolpersteine, des « pierres sur lesquelles on trébuche » sont une création de l'artiste berlinois Gunter Demnig. Ce sont des pavés de béton ou de métal de dix centimètres de côté enfoncés dans le sol. La face supérieure, affleurante, est recouverte d'une plaque en laiton qui honore la mémoire d'une victime du nazisme.