10 septembre 2023
j’aime le silence qu’écrit les livres
j’aime le silence qui ne console rien
espace défriché pourtant alourdi de conventions mentales
dont l’immanence nous étire au-delà
l’homme effrayé cherche à en résoudre l’insolence – projette, s’engage, espère
l’homme recouvre
écrire est déjà trop bruyant
13 septembre 2023 14h41
prendre comme exercice la permanence du précipité
tu sais que les mots devant toi se montreront intransigeants, qu’écrire ne supporte aucune concession,
tu sais qu’écrire est une violence,
une violence
en (l’)être perpétuellement déplacé
soumets-toi à l’exigence que cela demande d’élaguer le gras des mots
procède comme tu disséquerais une langue
procède comme tu veilles l’homme qui meurt
il n’est rien à écrire que l’instant si vaste qui retourne le sens
14 septembre 2023 17h19
y-a encore de la construction ici ?, demande l’enfant qui passe
elle – déconstruire, veillant à ne pas écraser la fraîcheur de l’enfant
lorsque le soleil inonde l’étoffe l’œil ne distingue plus son jour et sa nuit
elle – cherche la lumière précise qui lui assigne le geste
et le geste appelle le geste // convoque la lignée d’ancêtres //
et le geste répète le geste
d’une nuit qui survient
renoue le temps à la patience de ce qui se retire
Il est un drame : le geste ne résout rien,
le geste crée l’interstice, crée le jour
tu n’es pas disparu, tu es mort devant nos yeux,
lui dit-elle
depuis, le lin, seule de son geste répété, fil à fil, renouvelle le silence de cette vastitude
20 septembre 2023 9h28
reprendre le fil, dit-on // elle les ôte
porter son attention sur l’interstice, l’espace respiré qu’engendre le geste,
le vide à la croisée de nos segments,
se dépeuplent les voix qui m’orientent
il ne reste pas grand-chose de tant d’humanité
une ruche
mécanique d’espèces affairées
reprendre le fil // dit-on
du fil à retordre, dit-elle // elle ôte les fils les hôtes de son attente
sectionne et de la pointe
dentelle les tombes
couchées, immuablement couchées
24 septembre 2023 18h06
au fil des heures elle trace des cimetières où pourront dormir ses morts
elle trace des cimetières
laisse partir les fils de chaque éternité
elle ordonne l’absence
sa fille n’aime pas ce mot cimetière
c’est gris dit-elle
ses cimetières à elle sont blancs et s’emplissent de ce que son geste évide
elle sait que la répétition de son geste admet l’à-peine
aucun mot ne s’y presse -
l’absence se nuance de peu au premier regard
22 novembre 2023 9h12
inébranlable que le pas de côté est seul appui, regard dépossédé, à même de retirer l’idée que l’on se fait,
chercher des mots qui en contiennent le moins, sans contingence, sans contenance, qui nous dispenseraient de la nécessité de nommer, des dits sans tiroirs, abstraction du langage, photographie du réel, relevant juste en quoi le monde contraste, en quoi le monde se lève et tombe, juste là sans promesses, portant chaque fois le déjà-là du réel
inébranlable que le pas de côté est seul appui
à toute échancrure
alors parce qu’encore je respire, et qu’il m’arrivera de ne plus respirer je voudrais faire une œuvre du rien, qui œuvre de n’être pas nommée, échappe à tout caractère bien que rejoignant matière humaine, squelette dans la précision de ses liens et articulations, un bouleversé sans tonalité, un jus brut sans archive, un jus frais de son immédiate corrélation
s’agirait-il d’ôter le fil jusqu’au mot,
23 novembre 2023 12h07
disparaître derrière la forme – pouvoir dire c’est carré – d’une très discrète apparition,
j’écrirais blanc
en pressentir la délicatesse où l’on s’ouvre au retrait de soi, et d’un malgré soi laisser faire, se dérober à tout ce qui nous y attacherait
j’écrirais blanc
disparaître à la répétition du procédé, cet effeuillement des fibres de mémoire qui font en nous mourir
j’écrirais blanc
se déprendre du sens et chevaucher le geste, simple geste, déprise du fil admis parmi les autres d’être précisément là à sa place, exactement juste admis, là tenu et tenant le tout, pensant le fil indispensable à la structure
j’écrirais blanc
disparaître d’émanciper le lien vers une esthétique anonyme
je regarde se dissoudre en elle l’arrogance au travers des lignes-fragments que l’aiguille trace en continu d’incomplétude
je regarde l’intense disparition
je la regarde s’atteler à l’inassouvi, ses yeux ses mains tout le tremblant de l’être engagé dans l’infime
elle déjoue l’angle qui ordonne l’évidence, à qui oserait se condamner encore à une tyrannie du lien
pouls en alerte permanent de réceptivité dans le déplacé du regard, affranchie du choix elle sillonne l’imperceptible, amène la forme ailleurs
j’écrirai blanc sur blanc
30 novembre 11h29
se remettre à l’ouvrage avec la modestie du temps,
ton acte radical, monochrome, tu cherches une minutie de l’imperceptible,
[ l’homme s’approche, de l’étoffe ne perçoit que le blanc, l’homogénéité, l’absence de toute intervention humaine, l’homme s’approche encore et considère l’ensemble des blancs présentés, il pourrait confondre la sobriété du carré de lin avec son propre dépouillement,
l’homme sentirait une invitation à s’approcher plus encore, du carré de lui-même, vierge avant d’être homme, vulnérable avant d’être homme, pensant sa cohérence dans ce qui recouvrirait son vide, pensant la trame de son existence à la pleine croisée de ce qui l’enchaîne ]
te débarrasser de la matière, dissoudre tout syndrome du lien,
aérer la pensée du ressenti et de l’épaisseur de l’éprouvé entrer en un penser agissant
[ l’homme se tient devant le blanc comme devant le rocher. il semble se lever un sens qui donnerait de l’âme au propos. il semble que le processus avantage l’épure. que l’imperceptible inaugure le chant de la mise à nu, l’engagement vers le neutre où les nuances entament une conversation entre l’infime et l’absolu. ]
préciser l’étendue de la dissolution. jusqu’où la dualité du paradigme doit induire un sens. jusqu’où le sens doit conduire le regard. embrasser l’abstraction des lignes telle une écriture archaïque, antérieure à toute invocation individuelle, et pourtant sensuelle de la pudeur du geste
[ l’homme admet. il dit, une esthétique du paroxysme. un lieu où se coordonnent minimalisme et obsession. où ce qui est retiré module l’appréhension de l’absence, la forêt des morts. il dit que le cerveau pourrait être plus fort. qu’il faudrait peut-être lire le blanc du cœur de l’étoffe. ]
tu liras le blanc quand tu auras trouvé les mots qui se passent d’eux-mêmes